Officiellement, les entreprises sont toujours en chasse des meilleurs talents. Mais dans les faits, elles se révèlent souvent incapables de gérer la douance. Se montrer trop doué constitue souvent un frein important à une carrière professionnelle. Alors que tout le monde à en tête l’image du chouchou de la maîtresse, avec ses lunettes et sa tête à claque, qui sait cirer les pompes et se taire, beaucoup oublie les parcours à rebondissements de leurs confrères surdoués. Ceux qui pensent que l’intelligence à quelque noblesse n’en ont certainement pas assez pour se rendre compte que ce n’est qu’une malédictio.
Deux catégories de talents
Pour schématiser, on pourrait classer les talents en deux catégories. Il y a d’un côté le «premier de la classe». Diplômé d’une grande école, il dispose d’une grosse capacité de travail, sait se conformer aux règles et maîtrise le bachotage comme personne. De l’autre côté, on a le bon atypique, qui rentre moins facilement dans les cases. Il a un portefeuille de compétences à forte valeur ajoutée pour l’entreprise, des qualités personnelles supérieures à la moyenne, notamment en termes de capacités d’innovation et de leadership, mais il est plus difficilement soluble dans l’organisation.
En résumé: Un surdoué est un individu qui fait dix choses à la fois, convaincu qu’il agit au mieux ; n’anticipe pas la réaction de l’autre ; produit dix idées à la minute ; est impatient ; est dépendant affectivement ; a peur de s’ennuyer ; est vulnérable sur le plan psychologique ; veut sauver le monde.
Les surdoués, l’entreprise et le Principe de Peter
Malgré certains avantages par rapport au reste de la population, les surdoués vivent en décalage avec leur environnement. Cela explique que 70 % des surdoués étaient en échec scolaire en France en 2012. Ce phénomène de décalage et de décrochage se retrouve aussi plus tard, à l’âge adulte, lorsque le surdoué intègre une entreprise. Il existe trois grands décalages entre les surdoués et le monde professionnel:
-Un problème de compréhension: C’est comme dans le conte d’Andersen, « Le vilain petit canard » : le doué est comme un cygne qui vit parmi les canards. Il imagine que le canard pense comme lui.
-Des difficultés relationnelles: La personne douée est plus sensible, elle surréagit.
-Un ancrage identitaire: Ce sont des personnes qui doutent beaucoup. Ils ne perçoivent pas toujours qu’ils sont forts là où ils le sont. En revanche, ils voient leurs points faibles avec une acuité particulière, car ils sont doués.
En entreprise, ils sont parfois qualifiés « d’emmerdeurs ». Simplement contestataire ou manifestant de la curiosité, afin d’engager un dialogue, ils peuvent être perçus comme des empêcheurs de tourner en rond. Et connaissent parfois une vie professionnelle mouvementée.
Un modèle théorique qui permettrait d’expliquer cette anomalie -la normalité voudrait que les Hauts-Potentiels trouvent leur place dans l’entreprise et y restent- est Le Principe de Peter. Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence. La compétence des employés d’une organisation est distribuée selon une loi normale. Ainsi, 80 % des employés au centre de la courbe restent au sein de la hiérarchie, mais pas les 20 % aux extrêmes, c’est la « défoliation/le dégommage hiérarchique ». Selon le Principe de Peter, la super-compétence est plus redoutable que l’incompétence, car un super-compétent outrepasse ses fonctions et bouleverse ainsi la hiérarchie. Elle déroge au premier commandement : « La hiérarchie doit se maintenir ».
Pour qu’un super-compétent soit renvoyé, deux conditions doivent être réunies:
-La hiérarchie le harcèle au point de l’empêcher de travailler (ex: mise au placard); et
-Il n’obéit pas aux principes de respect de la hiérarchie.
La logique permet de comprendre pourquoi ils ne durent pas très longtemps dans une entreprise et préfèrent souvent prendre la poudre d’escampette. Mettre un surdoué sous un manager moyen, bosseur et politique est catastrophique. Toutefois, les surdoués ont toujours de l’avenir dans la nouvelle économie. En effet, ce qui compte dans la nouvelle économie et dans les entreprises comme Google, c'est le talent. Et les surdoués ont le talent nécessaire pour faire avancer notre société.