Dans l'approche de Dabrowski, le cheminement vers le Sur-homme requiert des changements d'ordre qualitatifs dans la façon de concevoir la vie ; l' « ici et maintenant » prend une nouvelle perspective et la vie n'est plus vécue dans l'attente d'un avenir meilleur. Au contraire, chaque seconde d'existence est perçue et valorisée intrinsèquement dans sa contribution à l'existence entière. En éliminant Dieu, Nietzche rend à l'être humain toute sa responsabilité de devenir juge de lui-même, de transcender et dépasser constamment son « vieux moi » et d'en créer un nouveau. Mais, comme Dabrowski plus tard, Nietzche souligne bien le chaos et la difficulté suscité par la création de soi et nous invite à dépasser les « 7 diables » sur le chemin de notre développement. Cette volonté de récupération de pouvoir sur soi-même s'illustre à deux stades dans le développement : la moralité sociale (ou 2ème facteur de Dabrowski) est utilisée pour prendre le contrôle sur la nature, l' « animal sauvage en nous» (ou 1er facteur); puis c'est la croissance de soi et le renforcement propre (3ème facteur) qui permet de se développer librement hors des contraintes biologiques et sociales dans un dépassement de l'individu pour atteindre son idéal de personnalité ou niveau le plus élevé de lui-même, ou, comme le dit Nietzche : « devenir la personne qu'il est ». Cet idéal est endogène (il est en nous) et non exogène : pas d'individu modéle à suivre car, comme le rappelle Nietzche : « tous les idéaux sont dangereux ». Toutefois, le modèle d'hommes exemplaires peut être inspirant dans l'initialisation d'un développement avancé mais le soi reste individualisé et personnel.
D'ailleurs, Dabrowski réserve ce mot de « personnalité » uniquement à ceux qui ont atteint ce niveau de développement tout comme Nietzche qui le fait correspondre au développement du Sur-homme, rappelant que peu d'humains l'atteignent. Nietzche, quant à lui, était inflexible sur le « but de l'humanité » qui s'illustrent dans les plus grands exemples de ces hommes qui se gouvernent et se créent eux- mêmes en opposition aux individus-esclaves qui font partie de la meute. Comme Dabrowski et Jackson, Nietzche fait état de ce potentiel individuel constitué de la complexité des émotions, de processus cognitifs riches et de volonté. Pour lui, comme pour Jackson et Dabrowski, plus le potentiel est riche plus l'individu est complexe. Il écrivait déjà : « les types les plus élevés montrent une complexité incomparable... ainsi la désintégration qui en résulte l'est aussi » et « les formes de vie du type le plus bas et des membres de la meute sont plus simples et sont même virtuellement indestructibles ». Pour lui, le besoin de désintégration est clair: « vous devez être prêt à bruler dans vos propres flammes car, comment pouvez-vous devenir neuf si vous n'avez pas été préalablement réduit en cendres ? ».
C'est un état d'extrême vulnérabilité et d'hypersensibilité (les surexcitabilités de Dabrowski) qui caractérise cette transition : « J'aime celui dont l'âme est suffisamment profonde dans sa capacité à être blessé et que la plus petite chose peut détruire ; malgré tout, il est heureux de traverser le pont ». La graine doit mourir pour permettre à la plante de grandir. Nietzsche décrit une désintégration développementale générale et stratifiée, la souffrance conduisant à une séparation verticale qui permet au « héros » de se distinguer de la meute. Cette ascension conduit certes à la « noblesse » et, ultimement à la personnalité authentique de l'être humain, à l'atteinte de son moi idéal ; cependant elle rend l'humain solitaire, loin de la sécurité apportée par la masse et, pour ce philosophe, sans la compagnie de Dieu et son réconfort: « l'être philosophe est solitaire, non parce qu'il le souhaite mais parce qu'il trouve dans cette solitude quelque chose qui n'a pas d'équivalent; tous ces dangers et ces souffrances qui lui ont été réservés ». Le dépassement de cette solitude et de cette souffrance sont les traits-clés du Sur-homme : « La souffrance et l'insatisfaction de nos besoins basiques sont une caractéristique positive car ces sensations créent une « agitation du sentiment de vie » et agissent comme un catalyseur de la vie ». Le malheur, la tension et la souffrance doivent être endurés avec persévération, interprété et méme exploité par l'âme pour cultiver force, inventivité et courage.
En écho, Dabrowski écrit : « Nous ne sommes humains que parce que nous expérimentons la disharmonie inhérente au processus de désintégration » et « Tout processus créatif authentique consiste à perdre, diviser, écraser la réalité précédente. Tout conflit mental est associé à la rupture et la douleur ; tout pas vers l'existence authentique se combine avec chocs, chaos, souffrance, peine et détresse ». Les manifestations physiques ont également une place majeure dans ce processus. Nietzsche en témoigne lorsqu'atteint de maladies longues et sérieuses tout au long de sa vie, il écrit : « Je suis reconnaissant reconnaissant aux maladies car elles nous débarrassent de certaines règles et de leurs préjudices ». Comme Dabrowski le considère pour la maladie mentale, pour Nietzsche, la santé physique n'est pas une absence de maladie mais devient riche dans la façon dont l'individu y fait face, en fait sens pour transformer la maladie en autonomie.
Ces approches diverses et convergentes rendent compte du processus complexe accompagné de phénomènes variés liés à ce que Dabrowski nomma la désintégration positive. Ils insistent tous sur le combat à mener dans l'affrontement au statu quo et l'anxiété, voire la peur même, qui en résultent. Chez Nietzsche comme chez Dabrowski, la création d'une échelle de valeurs personnelle à chacun ainsi qu'un idéal de soi sont nécessaires à cette évolution en devenant les guides de la croissance ; la désintégration devient l'élément central du développement humain. Même si les idées de Dabrowski peuvent paraitre - encore de nos jours - radicales aux yeux de la psychologie contemporaine, elles s'avèrent beaucoup plus utiles et moins radicales rapportées à la compréhension du développement psychologique, particulièrement dans le champ de la surdouance et de l'éducation des « intellectuellement précoces » comme le prouvent les travaux américains et canadiens récents. La TDP devient un nouveau paradigme pour la philosophie, la psychiatrie, la psychologie et l'éducation pour mieux comprendre le développement et la personnalité humaine.