"J’ai écrit ce livre pour un type particulier de personnes, que je vois souvent dans ma pratique privée. Ces personnes — que j’appelle des « personnalités PCH » — ont des problèmes de perfectionnisme, de contrôle, et de honte, mais aussi des difficultés à prendre des décisions, pensent en termes rigides de tout-noir-ou-tout-blanc, vivent dans la crainte de la critique (surtout de l’autocritique), et ont une mauvaise estime de soi, entre autres caractéristiques. J’aime à me représenter les problèmes individuels de cette constellation PCH comme les rayons d’une roue. Le moyeu de la roue est ce que les personnalités PCH ressentent vraiment à l’intérieur, et qui conduit à tous ces problèmes. C’est le centre de cette roue qui doit guérir; alors toute la constellation de problèmes ou de symptômes peut disparaître."
"Ainsi, bien que la personnalité PCH puisse partager certains traits avec le trouble obsessionnel- compulsif, la plupart de mes patients viennent pour des dépressions, de l’anxiété ou des troubles panique. Parfois, ils ont déjà vu un autre thérapeute qui leur a dit que la thérapie cognitivo-comportementale était la plus adaptée pour leur anxiété ou leurs autres symptômes, laquelle enseigne des dispositifs d’adaptation pour atténuer et contrôler ces symptômes. Ils apprennent ces techniques mais ne sont pas satisfaits des résultats, parce qu’ils savent qu’à un certain niveau quelque chose génère les symptômes qu’ils continuent à affronter. Les symptômes traités ne sont que la manifestation de leurs sentiments sous-jacents, qui persistent même après avoir appris de nouvelles manières de « faire face ». Personne ne leur a jamais dit qu’ils pouvaient espérer réellement guérir, en atteignant le « moyeu » de leur personnalité, les dynamiques sous-jacentes qui les font souffrir. Ils n’ont jamais été invités à raconter leur « histoire », le récit de leur vie qui a conduit à des symptômes."
"J’ai constaté qu’à un niveau plus profond, les personnes souffrant d’une dynamique PCH ont ce que j’appelle une peur de l’abîme. Elles craignent qu’en abandonnant leur contrôle rigide, une très mauvaise personne, tapie dans leur côté sombre ou leur abîme, sera libérée et dominera leur personnalité. Ce qu’elles craignent souvent, c’est de devenir comme un parent ou une autre personne importante de leur enfance, dont ils abhorrent certaines habitudes, ou leur personnalité, et sentent qu’ils ont cela aussi en eux-mêmes. Pas étonnant que les personnes PCH ont une faible estime de soi. Personne ne peut se sentir bien en ayant l’impression d’avoir une sorte de monstre à l’intérieur — tout au contraire."
"Mes clients ayant des problèmes PCH ont toujours cet abîme, comme le bourreau de travail qui a peur d’être paresseux, ou celui qui doit s’en tenir à la vérité exacte, à tout moment, même au risque d’offenser les autres, parce qu’il craint d’être un menteur. Cette peur de l’Abîme s’enracine dans la croyance erronée que l’on doit cacher une partie de soi pour à tout prix garder le contrôle. C’est un gaspillage d’énergie que de passer sa vie à se défendre de ces sentiments douloureux et effrayants. Il est de loin préférable d’affronter les sentiments et de vivre pleinement."
"Pour vraiment modifier une personnalité, vous devez prendre conscience des pensées et des sentiments que vous ignoriez précédemment. Nous avons parlé, par exemple, du mode de pensée tout-noir-ou-tout-blanc et des associations rigides que font les personnes PCH. Rappelez-vous l’exemple de ceux qui se faisaient une idée précise d’une personne simplement parce qu’elle était en retard, ou qu’elle avait choisi de se teindre les cheveux. Vous vous souviendrez également de mes patients qui pensaient que le moindre mensonge était terrible et qu’ils devaient être brutalement honnêtes tout le temps. Mais pourquoi ces gens forment-ils ces associations spécifiques ? Je demande parfois à une personne PCH pourquoi elle a besoin d’être parfaite, et elle répondrait que du temps où elle était imparfaite, elle était soumise à des traitements humiliants ou cruels pour le fait de ne pas être parfaite. C’est une partie de la réponse, et c’est une bonne réponse d’un point de vue historique; cela explique comment le comportement ou sentiment s’est développé et a été renforcé dans le passé. Cependant, nous vivons dans le présent. Une réponse historique ne dit pas ce qu’il y a maintenant dans la tête et le cœur d’une personne."
"J’ai donné le nom d’abîme à la véritable peur sous-jacente des personnes PCH. Elle se manifeste sous différentes formes, à la manière d’un puits sans fond et obscur dans lequel on a toujours peur de chuter. L’abîme n’est pas l’image que vous voulez avoir de vous-même, mais c’est l’image que vous craignez et tenez à distance. Les rayons de la roue (les différentes manifestations de l’abîme) servent à rejeter de la conscience cette image de soi, de la nier, et de la diviser en de nombreux rayons ou problèmes dont nous avons parlé."
"L’abîme est alors l’image de soi, tant redoutée, qui va à l’encontre de l’image que l’on prétend avoir. Cette image de soi cachée est tellement crainte que l’on doit tomber dans l’excès contraire pour la nier. D’où vient l’abîme ? Bien sûr, il vient du passé; et il peut s’enraciner en particulier dans l’image qu’on a d’une autre personne. Nous entendons souvent les gens dire qu’ils ont peur d’être comme leur mère ou leur père. Au moment où ils disent cela, ils ont une certaine conscience de l’abîme, mais ils tombent alors dans l’extrême opposé, pour tenter de sur-compenser ces aspects redoutés de leur image de soi."
"L’abîme peut alors dissimuler un « autre » redoutable au sein de l’image de soi d’une personne. L’image de soi n’est pas forcément précise, mais elle a néanmoins une influence énorme sur la personnalité. L’image de soi qui représente « l’autre » redoutable est tenue à distance par les rayons de la roue, ce qui empêche la conscience de soi et la croissance émotionnelle."
"En plus d’être « l’autre » redoutable, l’abîme peut aussi être l’image de soi qu’a développé l’enfant, selon ce qu’il a entendu dire sur lui ou la façon dont il a été traité — c’est une vision déformée, cruelle, de soi-même. A l’âge adulte, certaines personnes se sentent toujours maladroites, stupides, ou inintéressantes, et font tout pour éviter de le savoir. Quand une personne a recours à un « rayon », la peur de l’abîme est activée, et elle réagit en prenant la forme d’un trait PCH. La personne qui fuit l’abîme crée sans le vouloir une prison qui devient émotionnellement étouffante. Pour de nombreuses personnes qui ont été maltraitées, l’abîme représente un de leurs parents. Elles pensent que si jamais elles sont en colère, elles vont devenir comme leur père ou mère violent(e). Elles savent, pas tout à fait consciemment, qu’elles sont déjà comme cette personne. Bien que vous puissiez ressentir de la colère, peut-être même de la rage — tout comme votre parent — vous avez aussi des valeurs, une maîtrise de soi et de nombreux traits positifs et rationnels. La voie de la guérison consiste à jeter une lumière sur votre abîme. Je veux dire par-là que ce n’est pas parce que vous affrontez des sentiments que vous allez agir sous leur emprise, et que reconnaître la rage et d’autres traits de l'abîme permet de les intégrer à de nombreux sentiments positifs."