François Jacob (1920-2013) fut Prix Nobel de médecine en 1965 pour ses travaux sur le contrôle génétique des synthèses enzymatiques et virales, il avait combattu avec les Forces françaises libres pendant la seconde guerre mondiale. Auteur de nombreux livres, il fut l'un des rares scientifiques admis à l'Académie française. "Enfant, j'ai parfois rêvé d'être un autre", racontait-il dans "La statue intérieure", un ouvrage autobiographique.
"Je porte ainsi en moi, sculptée depuis l'enfance, une sorte de statue intérieure qui donne une continuité à ma vie, qui est la part la plus intime, le noyau le plus dur de mon caractère: Cette statue, je l'ai modelée toute ma vie. Je lui ai sans cesse apporté des retouches. Je l'ai affinée. Je l'ai polie. La gouge et le ciseau, ici, ce sont des rencontres et des combinaisons. Des rythmes qui se bousculent. Des feuillets égarés d'un chapitre qui se glissent dans un autre au calendrier des émotions. Des terreurs évoquées par ce qui est toute douceur. Un besoin d'infini surgi dans les éclats d'une musique. Tous les émois et les contraintes, les marques laissées par les uns et les autres, par la vie et le rêve."
"Faute d'être médecin, il me fallait un autre destin. Je ne savais que faire. Je voulais tout faire. Pas la moindre vocation. Une totale vacance d'esprit et de goût. Prêt à tout et à rien. Capable de tout et de rien". Jeune, il annonce ses intentions: "Si Dieu n'existait pas, il fallait s'en passer. Le ciel vidé, il y avait une terre à remplir et c'était à moi de la remplir. Un monde à construire et c'était à moi de le construire". Dans la statue intérieure, il laisse surtout ce message à ceux qui forment la longue chaîne de chercheurs: "C'est à nous de plaquer les accords, d'écrire la partition, de faire jaillir la symphonie, de donner aux sons une forme que, sans nous, ils n'ont pas".