Au-delà de la réalisation du moi, il y a même un niveau d’existence plus avancé, un niveau qui n’a été atteint que par quelques élus. Dabrowski l’a appelé "intégration secondaire" et c’est la réalisation de l’idéal de personnalité. Pour la plupart d’entre nous, ceci demeure une vision de la perfection plutôt qu’une potentialité dans cette vie. Au niveau V, on transcende l’égo et atteint une unité harmonieuse avec l’univers. Il n’y a pas d’écart entre "ce qui est" et "ce qui devrait être"; l’individu est une manifestation vivante de "ce qui devrait être". Parmi les individus ayant atteint le niveau V, on compte Dag Hammarskjold, Peace Pilgrim et Mère Thérésa de Calcutta.
Bien que la réalisation complète du niveau V ne se produit que rarement, le fait que la théorie de Dabrowski l’inclue comme possibilité de développement, est significatif. Cette théorie donne une crédibilité psychologique au plus élevé de l’expérience humaine. Reconnaître un idéal, c’est le premier pas vers sa réalisation. Comme nous comprenons plus de choses au sujet des facteurs psychologiques impliqués dans un développement avancé, nous pouvons être capables de nourrir ce développement et devenir une race d’êtres de compassion.
Il est important que le thérapeute reconnaisse la différence entre un jeu de "devrait" imposé par la société et une vision intérieure d’un idéal de personnalité en évaluant le niveau de développement d’un patient. Les "devrait" sont un phénomène de niveau II ; les idéaux choisis en autonomie sont des phénomènes de niveau III. Ils sont très différents.
Un autre facteur important de cette théorie est qu’elle voit le développement sous un angle très large, d’un point de vue de ce qui est possible pour la totalité de l’humanité, et non seulement pour un individu donné. Ceci signifie que l’évolution d’une personne du niveau I jusqu’au niveau V est impossible. Une personne peut rester dans un seul niveau une vie entière, évoluant à l’intérieur de ce niveau, mais sans subir la transformation agonisante vers un niveau supérieur. Bien souvent, une personne va fonctionner simultanément à deux niveaux et à trois niveaux au plus, mais la structure d’un niveau sera toujours dominante.
En arrière-plan de cette théorie, on peut voir la valeur positive de traits supposés névrotiques qui peuvent faire surface pendant la crise du milieu de vie. Le dessous sombre de la crise, ces sentiments souvent surprenants de faux, de culpabilité sans raison, de dépression accablante et de désespoir insensé prennent une nouvelle signification. Ils peuvent être le signe d’une évolution, évolution qui éloigne de l’adaptation aux normes sociétales vers les débuts de valeurs intériorisées, enracinées dans le moi, et de pas timides vers l’autonomie.
Quel est alors le rôle du thérapeute, dans cette situation ? Avant tout, voir le conflit et l’anxiété comme signes positifs d’évolution et de santé a un effet améliorant en soi. La vision à long terme devient prometteuse, quand bien même le processus immédiat reste douloureux. Le thérapeute peut soutenir les patients pendant le processus de transformation, aider à recadrer les éléments de la situation dans une lumière positive. L’idée centrale de la théorie de Dabrowski de l’évolution émotionnelle peut suggérer de valider ces sentiments sincères, permettre le processus de transformation mais en notant des indicateurs d’évolution nouvelle dans des domaines telles que s’approprier ses expériences, examiner ses valeurs, affirmer ses droits et convictions. La sensibilité et le caractère réfléchi émergeants sont à célébrer. Savoir que le supplice est une part nécessaire de l’évolution vers une intégration plus élevée, peut aider et le patient et le thérapeute à gérer avec plus de sagesse et à continuer – chacun d’eux – cette longue route vers la réalisation du moi authentique.