13 avril 2018

Le développement stratifié

Cette approche est vitale pour rendre compte de la large et complexe variété de phénomènes rencontrés dans la psychologie et le développement. En effet, les approches plus classiques rendent mal compte de la grande disparité existant entre les comportements les plus bas et les plus élevés. Pour Dabrowski, le développement stratifié est donc la pierre angulaire de sa théorie du développement de la personnalité.

Platon, dans son mythe de la caverne (Allégorie de la caverne), décrit 4 niveaux d'existence avec chacun son niveau de conscience et de perception. +L'existence au niveau le plus bas est décrite comme faite d'opinions, d'ombres de perceptions brutes, simplistes et erronées : le groupe qui regarde passivement la vie comme une ombre sur le mur de la caverne en face de lui. Ces prisonniers sont enchainés, avec l'impossibilité de se retourner pour comprendre leur situation; leurs sens sont tellement anesthésiés qu'ils ne peuvent même pas prendre conscience de leurs chaines. Ce jeu d'ombres est orchestré par des « marionnettistes" (représentants de l'État ou du système éducatif) qui, derrière les prisonniers, utilisent ce jeu d'ombres pour décrire la vie telle qu'ils veulent la faire percevoir. Ce jeu d'ombres est possible grâce à une lumière a une lumière artificielle, un feu de camp au fond de la caverne.

+A un moment, l'un de ces prisonniers commence à se poser des questions et prend la décision de partir à la découverte de la vérité pour se libérer et saisir la situation dans son ensemble: Platon le décrit comme le philosophe ou l'intellectuel. Il trébuche en se dirigeant vers une faible lumière en provenance de l'entrée de la caverne qui le guide dans un périple long et dangereux vers la surface : cela lui demandera beaucoup de force, de détermination et une forte motivation interne. Beaucoup s'y essaient mais peu réussissent.

+Pour ceux qui parviennent enfin à la surface, la vie prend alors une perspective complétement différente et un renversement de paradigme se produit dans leur perception. Platon reconnait que le réflexe du prisonnier parvenu à la surface pourrait être d'y rester et de profiter du soleil. Mais il décrit l'impératif moral de celui-ci de ses pairs pour leur apporter revenir vers la lumière.

+Malheureusement, il arrive que le prisonnier redescendant de la grande lumière vers celle, plus limitée, de la caverne ne puisse plus retrouver son chemin ; les prisonniers restant écoutent une histoire bizarre qu'ils sont incapables de comprendre et, ayant peur de ce qu'ils perçoivent comme la folie de ce prisonnier échappé, ils le tuent.

Les individus de l'intégration primaire de Dabrowski ressemblent beaucoup à la majorité des prisonniers de la caverne de Platon qui acceptent passivement la socialisation, acceptent une réalité quotidienne sans questionnement critique. Pour Dabrowski, l'individu « bien socialisé » vit une existence imitative faite de rôles prescrits de l'extérieur, sans réelle conscience, d'individualité ou d'authenticité, à un niveau primaire et basique de développement. Le prisonnier échappé ressemble lui à ces individus qui, selon Dabrowski, munis d'un fort potentiel de développement et grâce aux dynamismes, leur hiérarchie de valeurs et leurs Surexcitabilités (SE), aspirent à un développement complet vers ce qu'il nomme les niveaux IV et V.

L'approche stratifiée de Dabrowski fait écho à celle de John Hughlings Jackson (1835-1911) qui, dans ses conférences bien connues de Cronian en 1884, décrit le système nerveux comme comportant plusieurs niveaux qui se distinguent par 3 variables : les niveaux les plus bas sont simples, plus organisés, automatiques et moins réfléchis/ les niveaux les plus élevés sont plus complexes, moins organisés, plus délibérés et volontaires. Jackson décrit l'évolution comme un mouvement du plus bas vers le plus élevé, vers plus de complexité, moins d'organisation. Dabrowski introduit ces attributs dans sa définition des niveaux les plus élevés : « par plus haut niveau psychique, nous décrivons un comportement plus conscient, une plus grande liberté de choix et donc une plus grande opportunité d'auto-détermination. »

En outre, Dabrowski insistait sur le fait que les niveaux les plus élevés différaient des niveaux les plus bas quantitativement et qualitativement; la psychologie admet communément des différences quantitatives, ceux des différents niveaux d'intelligence quantifiés dans les tests de QI. Dabrowski pensait qu'un développement avancé met en oeuvre un autre aspect en remarquant, par exemple que la perception de la réalité peut être très différente entre individus de haut et bas niveau. Ces différences qualitatives sont des caractéristiques importantes signant un développement avancé et proposent une base pour la classification de la personnalité et du développement plus précise. C'est en cela que l'approche de Dabrowski est précieuse lorsqu'on essaie de comprendre le monde complexe et pluridimensionnel de la surdouance.