28 novembre 2016

À venir

Nous avons vu la théorie des intelligences multiples de Howard Gardner. Et également, l'intelligence émotionnelle selon Daniel Goleman. Je vais aborder bientôt une autre théorie, plus complexe, sans aucune comparaison: La théorie de la désintégration positive de Kazimierz Dąbrowski. La première fois que j'ai entendu parlé de cet homme, j'étais chez une psychothérapeute, surdouée elle-même, et spécialisée dans la douance. À la fin de la séance, j'ai noté, sans grande conviction, "dabroski" sur un petit papier. Je dois avouer que cela m'a sauvé la vie. Une révélation quand je me suis finalement décidé à lire ses travaux trois mois après cette visite. J'étais dans une impasse existentielle. Je n'étais pas suicidaire du tout, mais je tournais en rond et je cherchais un chemin...vers moi-même. Plus de faux-semblant. Je voulais faire tomber le masque et affirmer ma vraie personnalité. 

Dans un billet précédent, je cite Yves Saint Laurent disant "j'ai compris que la rencontre la plus importante de la vie était la rencontre avec soi-même." C'est tellement vrai. Si vous vivez en France, peu de spécialistes voire aucuns ne vont vous parler de Dabrowski. Je ne sais pas pourquoi. Sa théorie est pourtant révolutionnaire. Peut-être un peu de paresse intellectuelle, et beaucoup de conservatisme. Les spys préfèrent utiliser pour tout le monde la vieille rhétorique "Freud-Lacan-la faute à maman-Oedipe-castration-anti-dépresseurs-blabla" (répéter). Enfin, je ne sais pas trop ce qu'ils disent, mais ils ne parlent pas de Dabrowski. Et quand j'entends des personnes dire qu'elles vont chez le spy depuis 20 ans. Il faut se poser des questions. Il y a quand même un problème quelque part.

Donc, tranquillement et sûrement, je vais vous parler de cette théorie. Je vais continuer à parler de sujets plus légers pour aérer l'ensemble, mais mon blog a pour raison d'être de la faire connaitre. Attention, c'est du lourd (et du sérieux). Il faut s'accrocher. Mais pas de souci, je vais avancer doucement. Petit précision, Kazimierz Dąbrowski (1902-1980) avait une expérience clinicienne de plus de quarante ans avec la dépression existentielle et la douance. Ce n'était pas un charlatan, ni un marabout. Enfin, on va voir ça bientôt.

Pour faciliter la navigation dans le blog, je rajouterai le nom Dabrowski dans le titre. Cela permettra de faciliter la lecture.

L’intelligence émotionnelle

Daniel Goleman, psychologue et journaliste scientifique américain, a écrit un livre de référence sur l’intelligence émotionnelle en 1995. Il y développe quatre concepts principaux.
  • La conscience de soi est la capacité à comprendre nos émotions, à reconnaître leur influence et à les utiliser pour guider nos décisions;
  • La maîtrise de soi consiste à maîtriser nos émotions et nos impulsions et à s’adapter à l’évolution de la situation;
  • La conscience sociale englobe la capacité à détecter et à comprendre les émotions d’autrui et à y réagir;
  • La gestion des relations correspond à la capacité à inspirer et à influencer les autres tout en favorisant leur développement et à gérer les conflits.
Goleman inclut un ensemble de compétences émotionnelles correspondant à chacun de ces concepts. Les compétences émotionnelles ne sont pas des talents innés, mais plutôt des capacités apprises qu’il faut développer et perfectionner afin de parvenir à un rendement optimum. Pour lui, "caractère" est le mot qui définit le mieux l'ensemble des compétences liées à l'intelligence émotionnelle. Selon Goleman, l'intelligence émotionnelle favorise la réussite professionnelle et privée et "permet aux jeunes d’être moins « rustres », moins agressifs et plus populaires". Il affirme même qu’elle leur permet de prendre de meilleures décisions en ce qui concerne « les drogues, le tabac et le sexe ». Ainsi, l'intelligence émotionnelle confére donc, selon Goleman, un avantage dans tous les domaines de la vie aussi bien dans les relations affectives et intimes que dans l'appréhension des règles implicites qui régissent la réussite dans les politiques organisationnelles.

Pour ma part, j'associe cette intelligence émotionnelle à une intelligence sociale, des rapports sociaux, aux fameux "streets smarts" que j'ai déjà expliqués. Ces règles de vie qui permettent de laisser le moins de plumes possibles dans nos intéractions avec la société et d'avancer dans la vie. 

Surdouées

Dans un billet précédent ("surdouée"), j'ai écris que les femmes intelligentes sont plus dures à identifier comme surdouées, car elles se fondent plus facilement dans la masse. Elles manifestent moins leur supériorité intellectuelle et/ou leur mal-être. Elles prennent sur elles et souffrent en silence. J'ai trouvé au hasard de mes lectures (*) un passage intéressant à ce sujet:

"Si on compte beaucoup moins de femmes que d’hommes parmi les surdoués adultes, alors qu’au départ filles et garçons sont en nombre sensiblement équivalent, cela tient sans doute à ce que les femmes plus que les hommes font le sacrifice de leur supériorité intellectuelle quand elles passent à l’âge adulte. Nous dirons que les femmes sont moins bridées par leur inconscient. Elles sont aussi plus désireuses de fonder une famille et d’avoir des enfants. Mais, bien sûr, ce qui est à craindre, c’est qu’elles reproduisent la relation qu’elles ont entretenue avec leurs parents et que l’enfant soit choisi à son tour pour être le rêve d’un enfant surdoué enfin réussi."

(*) Le devenir des surdoués, Denise Vincent.

Thursday's child

Pause musicale. Un petit bijou signé David Bowie: Thursday's child.


Refrain:
Throw me tomorrow
Now that I've really got a chance
Throw me tomorrow
Everything's falling into place
Throw me tomorrow
Seeing my past to let it go
Throw me tomorrow
Only for you I don't regret
That I was Thursday's child

Monday Tuesday Wednesday born I was
Monday Tuesday Wednesday born I was
Thursday's child

19 novembre 2016

La théorie des intelligences multiples et ses limites

Howard Gardner a considéré récemment qu'il fallait probablement ajouter à sa théorie des intelligences mutliples l'intelligence de l'enseignement et de la pédagogie qui permet dit-il d'enseigner/de transmettre avec succès notre savoir aux autres. Il a par ailleurs refusé catégoriquement l'ajout d'autres intelligences comme l'humour (que l'on peut facilement, je pense, associer à l'intelligence verbale), la gastronomie (sic) et l'intelligence sexuelle (?). Je propose l'intelligence informatique (qui ferait partie, en fait, de l'intelligence logico-mathématique).

On voit ici les limites de cette théorie des intelligences multiples qui est avant tout un outil de découverte ("heuristique"). Howard Gardner a imaginé cette théorie pour répondre à une demande éducative. Face à un élève en échec scolaire, il proposa d'identifier ses points forts et ses points faibles en distinguant ces différentes intelligences. L'idée est de dire que tout le monde est intelligent à sa façon.Soit !

Ce n'est pas une théorie scientifique. Gardner l'a confessé d'ailleurs en disant que ces différentes intelligences n'étaient en fait que des "fictions" (sic). La plupart de ces intelligences sont liées entre elles et interagissent l'une sur l'autre...pour en fin de compte n'être qu'une même et indivisible intelligence. Elles ne sont justes que les différentes facettes d'une seule et même intelligence.  Mais il est intéressant de détailler mentalement cette intelligence en sous-groupes, dans un exercice ludique de découverte, pour pouvoir mieux identifier les manifestations de cette intelligence, et ainsi apprendre à les développer et à les maitriser.

L’intelligence spatiale (picture smart)

Les conséquences les plus intéressantes de l'intelligence spaciale et visuelle sont la stimulation de la créativité et la sophistication du processus cognitif.  Ainsi, pratiquement toutes les pensées, même les plus théoriques et abstraites peuvent être visualisées. Les notes de Charles Darwin reflétaient une fascination pour l'image de l'arbre. Ce symbole lui a permis de conceptualiser la théorie de l'évolution. À 16 ans, Albert Einstein s'imagina en train de chevaucher un faisceau de lumineux pour plus tard élaborer la théorie de la relativité (*). Sigmund Freud visualisa une île sortant de l'océan comme une métaphore de la relation entre l'égo et l'inconscient, ce qui permit de proposer sa théorie de la personnalité.

Ces images représentent des schémas cognitifs ou des "cartes mentales" qui aident et guident le développement de la pensée. Chacun d'entre nous possèdent des cartes mentales, avec des envergures moins importantes que les personnages mentionnés ci-dessus. Elles sont souvent plus terre-à-terre et moins abstraites. Elles se résument souvent à connaître mentalement le trajet entre notre maison et notre travail, la disposition de notre voisinage, l'agencement de notre maison/appartement, la carte du monde, le moteur de notre voiture, notre bibliothèque...etc.

Il est intéressant d'identifier les autres cartes mentales que nous cultivons, celles qui renferment notre imagination, notre créativité, notre personnalité. En prendre conscience est important pour pouvoir jouer avec cet outil mental qui permet de nous transporter vers d'autres univers, sans nous déplacer, et ainsi nourrir notre intellect pour peut-être un jour faire murir le fruit de nos pensées.

(*) Il avait aussi lu les travaux d'Henri Poincaré. Hé oui !

L'intelligence verbo-linguistique (word smart)

Cette intelligence se manifeste par une passion pour les mots (leurs secrets, leurs sons...), pour la lecture et les livres, c'est une intelligence verbale. À forte intensité, cette intelligence des mots génèrent un flot de d'idées et de pensées qui peuvent devenir difficile à gérer. Apprendre, comprendre, s'exprimer, lire et écrire sont des activités constantes qui doivent être maîtriser pour éviter un épuisement intellectuel. On pense beaucoup, on a de nombreuses idées, mais sans organisation, les mots et les idées vont et viennent et une immense sensation de gachis et de découragement peut apparaitre.

Il faut apprendre à se vider la tête de ses mots/idées/projets. Avant on notait tout ça sur des cahiers, maintenant la technologie aidant, ce travail est simplifié et permet vraiment d'avancer dans son développement personnel en étant satisfait de soi-même en visualisant nos idées (c'est important) et en devenant ainsi plus efficace dans nos projets/notre créativité. D'aucuns appellent ça le "script minding", la transcription de l'esprit.

Personnellement, je me sers de "OneNote" de Microsoft (*). C'est un outil simple et gratuit en ligne. Il est disponible aussi en application. Je travaille dessus tous les jours sur mon ordinateur, ma tablette et mon téléphone. Chaque modification, quelque soit le support, est immédiatement synchronysée sur les autres appareils. C'est simple, mais j'adore. Avant je prenais des notes sur des feuilles volantes, des post-its, des carnets, et après je recopiais tout "au propre" sur un document Word ou autre. Une perte de temps incroyable. J'avais des tiroirs pleins de papiers, que je jetais au fur et à mesure. Maintenant, avec OneNote (*),  je visualise ma pensée.

Ce carnet en ligne devient alors un codex où l'on peut noter nos nouvelles idées et suivre leurs évolutions. Il peut aussi servir d'incubateur pour des poèmes, des livres, des projets. C'est un outil de travail et d'épanouissement non négligable. Essayez !

(*) Ceci n'est pas une publicité: "OneNote, parce que je le vaux bien". Il existe aussi "Evernote".

Sortir de sa boîte

La théorie des intelligences multiples nous rappelle qu'il vaut mieux apprendre à être intelligent en étudiant les œuvres les plus abouties, pour faire court les "classiques". Bien sûr, ils constituent un point de départ intellectuel. On peut étudier par la suite des travaux secondaires, moins reconnus. Mais l'idée est d'apprendre à réfléchir en comprenant la pensée d'un artiste/penseur/écrivain reconnu comme si l'on mettait nos pas dans les pas de celui-ci. Lire le 'Discours de la méthode" de René Descartes, suivre le cheminement de sa pensée et finalement comprendre sa "méthode" est intellectuellement fascinant.

L'aspect technique de la peinture ne s'apprend pas en étudiant les travaux de l'artiste du coin, mais les œuvres de Picasso, Dali, Van Gogh... Et l'on alimente pas sa créativité sans ouvrir son esprit à toutes sortes de travaux majeures, dans un premier temps. Je suis toujours surpris de rencontrer des étudiants et des professionnels qui ne connaissent pas du tout les fondamentaux de leur matière principale/métier. Je ne veux pas être présomptieux, loin de moi cette idée, mais il me semble évident que l'on n'apprend rien d'intéressant en restant "cloué" à son environnement et à son tropisme. Il faut sortir de sa boîte !


Les types d'intelligences

Dans un précécent billet (La théorie des intelligences multiples), j'ai abordé la théorie de Howard Gardner sur les différents types d'intelligences que nous possédons tous à des niveaux différents. À savoir l'intelligence verbo-linguistique (word smart), l'intelligence logico-mathématique (logic smart), l’intelligence spatiale (picture smart), l'intelligence intra-personnelle (self smart), l''intelligence interpersonnelle (people smart), l’intelligence corporelle-kinesthésique (body smart), l'’intelligence musicale-rythmique (music smart), l’intelligence naturaliste-écologiste (nature smart), l'intelligence existentielle (existence smart). Certaines personnes ont des aptitudes pour la musique, par exemple, que d'autres n'ont pas (ou ne pensent pas avoir). L'intérêt de cette théorie est de pouvoir identifier nos points forts et de développer nos points faibles. Je voudrais revenir sur quelques unes de ces intelligences dans les billet suivants.

14 novembre 2016

Yves Saint Laurent par lui-même

Le 7 Janvier 2002, le couturier Yves Saint Laurent met fin à sa carrière. Face à la presse, il lit un texte magnifique où il dit "j'ai côtoyé les faiseurs de feu dont parle Rimbaud,...je me suis trouvé,...j'ai compris que la rencontre la plus importante de la vie était la rencontre avec soi-même." Á méditer ! Voici sa déclaration en intégralité :

"Mesdames et messieurs,

Je vous ai conviés aujourd'hui pour vous annoncer une nouvelle importante qui concerne ma vie personnelle et mon métier. J'ai eu la chance de devenir à 18 ans l'assistant de Christian Dior, de lui succéder à 21 ans et de rencontrer le succès dès ma première collection en 1958. Il y aura 44 ans dans quelques jours. Depuis, j'ai vécu pour mon métier et par mon métier. Je veux rendre hommage à ceux qui m'ont influencé, qui ont guidé mon action et m'ont servi de référence. Tout d'abord Christian Dior qui fut mon maître et qui, le premier, me fit découvrir les secrets et les mystères de la haute couture. Balenciaga, Schiaparelli. Chanel, bien sûr, qui m'a tant apporté et qui, on le sait, a libéré les femmes. Ce qui m'a permis, des années plus tard, de leur donner le pouvoir et, d'une certaine manière, de libérer la mode. En ouvrant en 1966, pour la première fois au monde, une boutique de prêt-à-porter à l'enseigne d'un grand couturier et en créant sans me référer à la haute couture, j'ai conscience d'avoir fait progresser la mode de mon temps et d'avoir permis aux femmes d'accéder à un univers jusque-là interdit.

Comme Chanel, j'ai toujours accepté la copie et je suis très fier que les femmes du monde entier portent des tailleurs-pantalons, des smokings, des cabans, des trench-coats. Je me dis que j'ai créé la garde-robe de la femme contemporaine, que j'ai participé à la transformation de mon époque. Je l'ai fait avec des vêtements, ce qui est sûrement moins important que la musique, l'architecture, la peinture et bien d'autres arts, mais quoi qu'il en soit, je l'ai fait. On me pardonnera d'en tirer vanité, mais j'ai, depuis longtemps maintenant, cru que la mode n'était pas seulement faite pour embellir les femmes, mais aussi pour les rassurer, leur donner confiance, leur permettre de s'assumer. Je me suis toujours élevé contre les fantasmes de certains qui satisfont leur ego à travers la mode. J'ai, au contraire, voulu me mettre au service des femmes. C'est-à-dire les servir. Servir leur corps, leurs gestes, leurs attitudes, leur vie. J'ai voulu les accompagner dans ce grand mouvement de libération que connut le siècle dernier.

J'ai eu la chance de créer en 1962 ma propre maison de couture. Il y a 40 ans. Je veux remercier ceux qui m'ont fait confiance dès le début. Michel de Brunhof qui me conduisit chez Christian Dior. Mack Robinson qui crut en mon destin et me permit d'ouvrir ma maison. Richard Salomon à qui je dois tant. Comment pourrais-je oublier des journalistes tels que John Fairchild, Carmel Snow, Diana Vreeland, Nancy White, Eugenia Sheppard, Edmonde Charles-Roux, Françoise Giroud? Plus près de moi, je veux remercier Pierre Bergé, bien sûr, mais est-ce la peine d'insister? Anne-Marie Munoz, la merveilleuse Loulou de la Falaise.

Il m'est impossible de citer tous les premiers et premières d'atelier qui m'ont accompagné depuis le début. Pourtant, qu'aurais-je fait sans eux ? Sans leur grand talent que je me plais à saluer. Tous les ouvriers et ouvrières dont le dévouement admirable m'a tellement aidé et à qui je veux exprimer ma profonde gratitude comme je l'exprime à l'ensemble de ma maison.

Je veux remercier les femmes qui ont porté mes vêtements, les célèbres et les inconnues, qui m'ont été si fidèles et qui m'ont causé tant de joies. J'ai conscience d'avoir pendant ces longues années accompli mon travail avec rigueur et exigence. Sans concessions. J'ai toujours placé au-dessus de tout le respect de ce métier qui n'est pas tout à fait un art mais qui a besoin d'un artiste pour exister. Je pense que je n'ai pas trahi l'adolescent qui montra ses premiers croquis à Christian Dior avec une foi et une conviction inébranlables. Cette foi et cette conviction ne m'ont jamais quitté. Tout homme pour vivre a besoin de fantômes esthétiques. Je les ai poursuivis, cherchés, traqués. Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J'ai connu la peur et la terrible solitude. Les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. La prison de la dépression et celle des maisons de santé. De tout cela, un jour je suis sorti, ébloui mais dégrisé. Marcel Proust m'avait appris que «la magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre». J'ai, sans le savoir, fait partie de cette famille. C'est la mienne. Je n'ai pas choisi cette lignée fatale, pourtant c'est grâce à elle que je me suis élevé dans le ciel de la création, que j'ai côtoyé les faiseurs de feu (*) dont parle Rimbaud, que je me suis trouvé, que j'ai compris que la rencontre la plus importante de la vie était la rencontre avec soi-même. Les plus beaux paradis sont ceux qu'on a perdu.

Pourtant j'ai choisi aujourd'hui de dire adieu à ce métier que j'ai tant aimé. Le prochain défilé auquel je vous convie le mardi 22 janvier prochain à 18 heures au Centre Georges-Pompidou sera en grande partie une rétrospective de mon oeuvre. Beaucoup d'entre vous connaissent déjà les modèles qui défileront. J'ai la naïveté de croire qu'ils peuvent braver les attaques du temps et tenir leur place dans le monde d'aujourd'hui. Ils l'ont déjà prouvé. D'autres modèles de cette saison les accompagneront. Je veux remercier également M. François Pinault et lui exprimer ma gratitude pour me permettre de mettre harmonieusement un point final à cette merveilleuse aventure et qui a cru comme moi que la haute couture de cette maison devait s'arrêter avec mon départ. Enfin, je veux vous remercier, vous qui êtes ici et ceux qui n'y sont pas, d'avoir été fidèles aux rendez-vous que je vous ai donnés depuis tant d'années. De m'avoir soutenu, compris, aimé. Je ne vous oublierai pas."

Yves Saint Laurent par Chloé Van Paris: https://www.youtube.com/watch?v=FMLrvlM78XA
Biographie: https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Saint_Laurent

(*) YSL fait sûrement allusion ici au "voleur de feu" dans "La lettre du voyant" d'Arthur Rimbaud.

12 novembre 2016

La pleine conscience et la créativité

"Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir." Henri Matisse

La pleine conscience consiste à faire attention à l'instant présent et plus particulièrement aux choses nouvelles qui nous entourent. La méditation de pleine conscience est un outil au service de la créativité. La créativité est ainsi une activité de pleine conscience. Certains compare cela à plonger dans la source de nos pensées et de nos émotions pour aller pêcher un gros poisson dans les profondeurs, à savoir des idées nouvelles et originales.

Pour ceux qui cherchent à booster leur créativité, considérez chaque moment de votre vie, les bons et les mauvais, comme des sources potentielles d'inspiration et de motivation.

Le processus créatif des grands inventeurs/auteurs/entrepreneurs (Thomas Edison, William Shakespeare) se compose de deux facteurs importants: les créatifs s'immergent dans de nombreuses idées et projets en même temps et ils sont très productifs. L'œuvre de Picasso comprend quelques 60 000 pièces d'art. C'est en créant encore et encore qu'un jour on crée notre chef d'œuvre.

Extrait du livre "Wired to Create: Unraveling the Mysteries of the Creative Mind".


9 novembre 2016

La solitudine

Pause musicale. La chanteuse italienne, Laura Pausini, a chanté la solitude. "La solutidine" avec les paroles et traduction.


Marco se n'è andato e non ritorna più
Marc s'en est allé et il ne reviendra plus
E il treno delle 7:30 senza lui
Et le train de 7:30 sans lui
È un cuore di metallo senza l'anima
Est un coeur de métal sans âme
Nel freddo del matino grigio di città
Dans le froid d'un matin gris citadin
A scuola il banco è vuoto, Marco è dentro me
A l'école le banc est vide, Marc est en moi
È dolce il suo respiro fra i pensieri miei
Son souffle est doux dans mes pensées
Distanze enormi sembrano dividerci
De grandes distances semblent nous séparer
Ma il cuore batte forte dentro me
Mais mon coeur bat fort en moi

Chissà se tu mi penserai
Qui sait si tu penseras à moi
Se con i tuoi non parli mai
Si avec tes proches tu ne parles jamais
Se ti nascondi come me
Si tu te caches comme moi
Sfuggi gli sguardi e te ne stai
Fuis les regards et tu restes
Rinchiuso in camera e non vuoi mangiare
Enfermé dans ta chambre et refuses de manger
Stringi forte al te il cuscino
Serre fort contre toi le coussin
Piangi
Et tu pleures
Non lo sai quantro altro male ti farà la solitudine
Tu ne sais pas quelle autre souffrance t'apportera la solitude

Marco nel mio diario ho una fotografia
Marc dans mon journal de classe j'ai une photo
Hai gli occhi di bambino un poco timido
Tu as les yeux d'un enfant un peu timide
La stringo forte al cuore e sento che ci sei
Je la serre fort contre mon coeur et je sens ta présence
Fra i compiti d'inglese e mathematica
Entre les devoirs d'anglais et de mathématique
Tuo padre e i suoi consigli che monotonia
Ton père et ses conseils quelle monotonie
Lui con il suo lavoro ti ha portato via
A cause de son travail il t'a emmené
Di certo il tuo parere non l'ha chiesto mai
C'est sûr ton avis il ne te l'a jamais demandé
Ha detto : Un giorno tu mi capirai !
Il a dit : Un jour tu me comprendras !

Chissà se tu mi penserai
Qui sait si tu penseras à moi
Se con gli amici parlerai
Si avec tes amis tu parleras
Per non soffrire più per me
Pour ne plus jamais souffrir à cause de moi
Ma non è facile lo sai
Mais ce n'est pas facile tu le sais

A scuola non ne posso più
A l'école je n'en peux plus
E i pommeriggi senza te
Et les après-midis sans toi
Studiare è inutile, tutte le idee
Etudier est inutile, toutes les pensées
Si affollano su te
Se tournent vers toi
Non è possibile dividere
Il est impossible de séparer
La vita di noi due
Notre vie à tous les deux
Ti prego aspettami amore mio
Je t'en prie attends-moi mon amour
Ma illuderti non so
Mais te donner de faux espoirs, je n' y parviens pas

La solitudine fra noi
La solitude entre nous
Questo silenzio dentro me
Ce silence en moi
È l'inquietudine di vivere
C'est l'inquiétude de faire
La vita senza te
Ma vie sans toi
Ti prego aspettami perché
Je t'en prie attends-moi parce que
Non posso stare senza te
Je ne peux pas rester sans toi
Non è possibile dividere
Il n'est pas possible de séparer
La storia di noi due.
Notre histoire à tous les deux

8 novembre 2016

La solitude

La solitude est un élément essentiel de la découverte de soi et de la maturité émotionnelle. La réflexion qui en résulte peut amener à une connaissance approfondie de soi. Être seul nous force à réfléchir sur tous les facettes de notre personnalité.

Michel de Montaigne a popularisé l'idée de la solitude comme un moyen intellectuel de nous séparer de la foule et, par la même, de se forger un point de vue unique et une certaine indépendance d'esprit.

Martin Heidegger, qui avait l'habitude de s'isoler dans un cottage ("la hutte") à la montagne, disait que "la solitude n'est pas faite pour échapper au monde, mais pour le rencontrer". Dans le même ordre d'idée, le cinéaste Ingmar Bergman, qui s'isolait aussi dans une cabane en bois, écrivait: "ici, dans ma solitude, j'ai l'impression que je contiens beaucoup d'humanité".

En effet, dans le silence, nous pouvons entendre le monde autour de nous. Cette solitude nous apporte une grande authenticité, que nous pouvons entretenir et afficher lorsqu'on se retrouve au milieu des autres.

La clé de la créativité est un équilibre entre se concentrer sur soi et se concentrer sur les autres, entre intériorité et extériorité, entre profondes réflexions et actions motivées.

Extrait du livre "Wired to Create: Unraveling the Mysteries of the Creative Mind".



6 novembre 2016

Plasticité - Divergence - Convergence

Les personnes créatives, non seulement cultivent de nombreuses caratéristiques, mais sont aussi capables de s'adapter, voire de s'épanouir, en révélant le meilleur de leurs traits et de leurs capacités. Cette aptitude à s'adapter aux circonstances et aux changements avec fluidité et flexibilité est contenue dans trois traits de la personnalité qui sont liés à la créativité: la plasticité, la divergence et la convergence. Individuellement ou séparément, ces trois qualités encouragent le développement et l'expression de la créativité.

La plasticité. Elle est caractérisée par la tendance à explorer et à être attiré par les nouvelles idées, les nouveaux objets, les nouveaux cas de figure...etc. L'ouverture à de nouvelles expériences, une forte détermination et l'inspiration constituent le noyau de cette volonté de découvrir.

La divergence. Elle reflète une ouverture d'esprit, un non-conformisme, une pensée indépendante et est liée à l'impulsivité.

La convergence. C'est la capacité à se conformer, à faire des efforts pour s'entrainer efficacement et à rendre ses idées défendables. La convergence consiste en une pleine conscience, à de la précision, à de la persistence, à de l'esprit critique et à une sensibilité aux autres.

Extrait du livre "Wired to Create: Unraveling the Mysteries of the Creative Mind".


Connecté pour créer

Dans le livre "Wired to Create: Unraveling the Mysteries of the Creative Mind" (*), les auteurs, Scott Barry Kaufman et Carolyn Gregoire, démontrent que le cerveau des personnes créatives sont connectés d'une façon légèrement différente des autres personnes. Ils énumèrent les dix choses qu'elles font différemment du reste de la population.
  • Elles s'implique dans des jeux imaginaires à l'âge adulte;
  • Elles se passionnent pour leur propre processus créatif;
  • Elles sont enclin à la rêverie;
  • Elles sont capables de passer beaucoup de temps seules et y prendre du plaisir;
  • Elles sont réglées sur leur intuition. Elle leur fournit des idées perspicaces qui les aident à résoudre les problèmes;
  • Elles sont ouvertes à des expériences nouvelles et à de nouveaux points de vue;
  • Elles sont capables d'être attentives si c'est nécessaire, en utilisant finement leur sens de l'observation;
  • Elles sont extrêmement sensibles;
  • Elles utilisent des expériences de vie pénibles (ou parfois des expériences agréables) comme des catalyseurs pour développer leur créativité;
  • Elles veulent penser et agir différemment des masses.
Dans "Wired to create", ces dix comportments sont détaillés: le jeu imaginaire, la passion, la rêverie, la solitude, l'intuition, l'ouverture aux expériences, la pleine conscience, la sensitivité, savoir tourner l'adversité  à son avantage et penser différemment. Je vais revenir sur certains points dans les billet suivants.

(*) "Wired to Create: Unraveling the Mysteries of the Creative Mind" que l'on peut traduire par "Connecté pour créer: résoudre les mystères de l'esprit créatif".

5 novembre 2016

Être son propre gourou

Dans un précédent billet (l'œuvre d'un artiste), je parle d'être son propre dieu, son propre gourou. Ce n'est pas de la mégalomanie. Un gourou désigne communément en Occident un maître à penser. En Inde, le gourou (du sanskrit गुरु guru) est un enseignant, un précepteur, un maître.

Être son propre gourou, pour moi, c'est vivre selon ces valeurs profondes, en accord avec sa personnalité. Je parle ici de valeurs humanistes bien sûr. Pas du brigand qui vit suivant des valeurs faîtes de rapines et de violence.

Un esprit libre est en quelque sorte son propre maître à penser. Dans notre société, la religion (je pense notamment au boudhisme ici) apaise l'esprit, mais éloigne souvent de ce que nous sommes vraiment. La religion agit alors comme le fond les drogues, elle nous éloigne de nous. On est pratiquant en suivant des règles établies, mais finalement on est de moins en moins spitiruel. Nous répondons alors à des règles extérieures. Le pratiquant se met au service de son gourou. Parfois, des esprits profonds arrivent à raccorder cette croyance avec la personnalité qui se niche au fond d'eux. Cependant, la plupart des gens trouvent surtout du réconfort dans une communauté, en mettant entre parenthèse ou aux oubliettes, ce qui devrait être la vraie quête de la vie: Qui sommes-nous vraiment ? Quelle est notre vraie personnalité ?


La petite valse

Pause musicale. J'aime les années 70-80 et les beaux textes. Gérard Lenorman chante "La petite valse":


Moi j' donne du rêve à tous les gens qui traînent des souvenirs cassés
D'la dentelle bretonne à ceux qu'ont des habits troués
On a tous partout pareil
Quelque chose à regretter
On s' frotte les yeux au soleil
Quand nos larmes ont séché 



L'œuvre de l'artiste

Pour moi, l'œuvre d'un artiste apaise son impatience de créer, son insatiable urgence d'assouvir le désir créatif. Cette œuvre est sa folie. Il se prend pour un "dieu", car l'artiste est son propre dieu, son propre gourou avec sa mégalomanie, sa folie et son absolue. Son travail, c'est lui. Il dépeint son monde intérieur ou imaginé. Il doit révéler cette part de lui, c'est sa raison d'être.

Pour Martin Heidegger, l'œuvre d'art est une puissance qui ouvre et "installe un monde". L'artiste n'a pas une claire conscience de ce qu'il veut faire, seul le "tout fera l'œuvre". L'œuvre d'art n'est pas un outil, elle n'est pas une simple représentation, mais la manifestation de la vérité profonde d'une chose : "ainsi du temple grec qui met en place un monde et révèle une terre, le matériau qui la constitue, un lieu où elle s'impose (la colline pour le temple), et le fondement secret, voilé et oublié de toute chose".

Pour Maurice Merleau-Ponty, "en peignant, le peintre manifeste et montre comment le monde devient sous et par ses yeux, car le peintre peint à la fois le monde et son monde. Tout en se mettant totalement dans ce qu'il peint, le peintre est le serviteur de ce qui est en face à lui".


La maîtrise de soi

Imaginez un tuyau d'arrosage posé dans l'herbe qui diffuse de l'eau en grande quantité. Vous vous approchez et attrapez alors ce tuyau à un mètre de son embout. Le tuyau commence alors à tournoyer en arrosant tout ce qui se trouve dans un périmètre plus ou moins grand suivant si vous décidez ou  non de lever le bras qui tient le tuyau.  Comme un serpent hystérique ou une hélice d'hélicoptère, le tuyau se dresse, se tourne, se tord et arrose le jardin. Et vous avec.

Imaginez que cette eau soit votre énergie, votre intelligence, votre créativité, votre personnalité. Elle est incontrôlée et incontrôlable. Elle n'arrose même pas le jardin. Elle asperge tout de la plus mauvaise façon. Et peut même se retourner contre vous, en vous trempant de la tête aux pieds. Cette énergie, comme l'eau de ce tuyau, se diffuse en vain.

Imaginez maintenant que vous attrapiez le tuyau par l'embout. Ainsi, vous pouvez diriger cette eau vers les plantes, les arbres et les légumes en contrôlant le temps d'arrosage, le débit de l'eau et son volume. On n'arrose pas un rosier de la même façon qu'un fraisier.

Cette eau est votre énergie créatrice. Vous devez la diffuser où il faut et comme il faut. Il y a alors aucune raison que ce jardin ne devienne pas votre oasis et votre petit paradis sur terre.


Pour en finir avec les critiques et le faux-self

Les critiques ont été interiorisées comme des vérités. Les surdoués ont souvent été étiquettés "à problèmes", "tourmentés", "bizarres". Les "défauts", ou plutôt les traits distinctifs du surdoué ont été sujets à des attaques, des censures ou des brimades. Enfant, le surdoué va commencer rapidement à comprendre qu'il "a un problème" et vite conclure qu'il est "un problème".

Face à ces critiques, le surdoué va développer des défenses pour éviter les critiques de son entourage familial, professionnel, etc. Il va le plus souvent "masquer" son identité et se fondre dans la masse. Certains vont "surjouer" et "faire les idiots" en exhibitant et exagérant des traits. Leur agilité mentale et leur extrème sensibilité sont alors utilisées comme des armes de destruction massive. Cette intelligence mise au service du cynisme se retourne alors contre eux. 

L'extreme sensibilité de l'enfant surdoué lui cause beaucoup de remarques. On le trouve trop sensible et susceptible. Il apprend jeune que c'est un problème. Il va la cacher et cela va le ronger toute sa vie. Heureusement, il peut prendre conscience que cette sensibilité est une qualité, qui une fois maitrisée, peut devenir la source d'une créativité épanouissante pour lui et ses contemporains (à travers ses créations).

Beaucoup d'artistes qui expriment un talent dans l'écriture, la musique et autres ont beaucoup de mal à gérer leur sensibilité, malgré le repos et l'apaisement qu'ils trouvent dans la création. Ils se battent contre leur conscience extrème du monde. De plus, ils ont aussi à négocier avec un environnement professionnel impitoyable. Ils noyent alors leurs angoisses dans les drogues en tout genre.

Je parle ici de gens qui d'un façon ou d'une autre épanchent leur trop plein de sensibilité en créant quelque chose, en projettant leur personnalité, leur âme dans un travail créatif. Je vous laisse imaginer ce qui se produit sur les sensibles qui ne laissent pas ce trop-plein de créativité se déverser au-dehors. Ils sont rongés de l'intérieur. Ils n'en ont pas conscience la plupart du temps. Ils sont en mode auto-destruction.

Ainsi, le surdoué doit apprendre à se connaitre. Et ce n'est pas un mince affaire. Cela peut prendre quelques années. Mais cela vaut le coup. Il faut déconstruire la personnalité que nous avons été jusqu'à là. Je parle de cette personnalité ou le faux-self dirige notre vie. Nous jouons un rôle, comme des acteurs, pour notre entourage. Pour ne plus être critiqués, pour être tranquilles, par facilité aussi par la suite, c'est tellement confortable de ne rien changer.

Le faux-self peut avoir une intensité différente suivant le trait dont on parle. Je m'explique. Le surdoué aime bien parler et argumenter. Il est éloquent. Sa curiosité et son plaisir d'apprendre font qu'il connait plus de choses que la moyenne des gens qu'il rencontre. Dans une discussion, il peut adopter différente attitude suivant l'intensité de son faux-self. Quand le faux-self ne contrôle pas la personnalité, la personne parle, argumente, écoute les autres, échange des idées. Quand le faux-self est présent, il peut se manifester par une parole intolérante, cassante et saoulante pour les autres, ou alors c'est le contraire, la personne est absente de la discussion, ne veut pas prendre part à la discussion, dans son silence qui en dit long. Ces trois options peuvent se définir comme une attitude équilibrée, en controle de ses forces, ou alors une attitude exagérée ou la parole est une arme, ou enfin une attitude effrondrée dans laquelle la personne est effacée, comme rentrée en elle. Je développerai ces notions plus tard.