14 janvier 2018

La théorie de la désintégration positive (niveaux I et II) - Dabrowski -

La théorie postule cinq niveaux d’évolution dont chacun représente une structure psychologique distincte et crée une vision du monde unique. Au niveau I, les individus sont égocentriques au fond et il n’y a que peu d’égard authentique pour les autres, sauf dans le sens de veiller à ses possessions : ma famille, mon affaire, mon équipe de bowling, mon voisinage. Les individus du niveau I se servent des autres pour satisfaire leurs propres besoins de façon automatique ; c’est une obligation naturelle et même morale – prendre soin du numéro un (et des biens du numéro un). Il n’y a pas de réflexion sur soi, pas d’acceptation de culpabilité, pas d’observation rigoureuse consciente quant aux effets de leurs actions sur les autres, pas de sensibilité émotionnelle. Il n’y a pas de conflit intérieur. Tout conflit est externalisé, en opposition à tout ce qui gêne l’accomplissement des désirs. Comme il n’y a pas de vie intérieure à s’interposer entre de telles personnes et leurs ambitions, ils peuvent très bien acquérir du pouvoir par des moyens impitoyables. Au pire, la personnalité du niveau I est un psychopathe, sans aucune indication de potentiel de maturité. Au mieux, au bout le plus haut du niveau I, on trouve une grande partie de l’humanité : des personnes convenables, qui travaillent dur, respectent la loi, qui sont affectueux envers famille et amis, qui ont des croyances fortes mais non remis en question et qui, en général, maintiennent le tissu social. Acculturés et accommodants, ils soutiennent des éthiques et valeurs établies.

Les individus du niveau II ont moins de confiance en eux. Ils ont un sentiment de manquer de quelque chose d’indéfinissable qui les ronge et ils cherchent l’accomplissement et l’approbation auprès d’autres personnes, dans des mouvements de groupe et en aidant et secourant autrui. Ils sont très préoccupés par la question, « Que vont penser les autres de moi ? ». A ces personnes, il manque l’ingrédient essentiel du développement du soi, une hiérarchie interne de valeurs qui distingue entre véritables convictions et accommodations aux autres. Comme ils n’ont pas été pourvus d’un moyen de diriger leur comportement de l’intérieur, ils s’appuient sur les autres pour approuver ou désapprouver ce qu’ils font. Ils se sentent désorientés, impuissants, incertains à tous les égards et inférieurs aux autres. Ils se conforment aux normes des groupes par besoin de sécurité, plutôt que par un véritable engagement envers ces normes, mais ils peuvent passer d’un groupe à l’autre ou d’un amant à l’autre à la recherche d’une plus grande approbation.

Un grand groupe de personnes opère au niveau II. Ils ont des sentiments ambivalents et un comportement incohérent qui reflètent leur vie intérieure confuse. Souvent, ils sont attirés par des projets de développement personnel, mais ils ont du mal à progresser car ils ont tendance à sauter d’une technique à une autre, avide d’essayer tout ce qui est vendu comme le dernier cri et « le meilleur ». Quelques-uns deviennent relativistes quand ils développent une conscience sophistiquée de comment les valeurs varient d’une culture à l’autre, ils peuvent tolérer une large gamme de climats moraux sans prendre au sérieux un quelconque système de valeurs.

Certaines personnes restent au niveau II toute leur vie et certaines personnes avec un plus grand potentiel intérieur avancent. Ceux qui restent au niveau II sont appelés « conserveurs » et ceux qui vont plus loin « transformeurs ». Les conserveurs s’occupent à défendre l’homéostasie (l'équilibre) de l’organisation actuelle de leurs vies. Les transformeurs avancent plus volontiers vers le processus de désintégration.

Il y a beaucoup de distinctions importantes entre conserveurs et transformeurs qui ont un rapport avec les hommes et femmes en milieu de vie. Les conserveurs ont tendance à manquer d’assurance et ont besoin de l’approbation de leur monde. Leur besoin d’estime de soi consomme une grande partie de leur énergie. Ils cherchent continuellement à soutenir leur faible opinion d’eux-mêmes en obtenant l’approbation des autres ou en se convaincant eux-mêmes d’être quelqu’un de bien – des personnes ayant le sens du sacrifice, qui savent donner, prendre soin et qui sont responsables. En effet, ils peuvent être chaleureux, sensibles, facilement émus, motivés à travailler pour le bien-être des autres et être extrêmement préoccupés par la recherche de relations personnelles idéales. Ils peuvent se focaliser sur les besoins des autres au point d’être assez empathiques mais souvent, leur empathie prend la forme d’une sur-identification aux autres et ils se perdent ainsi eux-mêmes dans le drame de la vie des autres. L’empathie peut vite tourner au mépris quand ils ne se sentent pas appréciés pour leur bienveillance. Leur affectivité peut prendre la forme d’une dépendance aux autres, de jalousie ou de dénigrement de soi. Ils ressentent beaucoup de culpabilité à peut-être ne pas vivre à la hauteur des attentes des autres et ils sont aussi tout à fait capables d’utiliser la culpabilité pour manipuler les autres.

Bien que dans les normes de la société, le niveau II soit considéré comme « normal », il y a des implications cliniques frappantes dans cette population. Les individus au niveau II sont plus sujets aux troubles psychosomatiques, à l’alcoolisme, à la dépendance aux drogues, aux phobies et même à la schizophrénie. Leur affectivité peut ne pas être bien dirigée mais le simple fait qu’elle existe au moins, fait que le niveau II soit une avance du développement par rapport à l’assurance insensible du niveau I. Leur désorientation est leur premier pas dans le processus désintégrant d’évolution plus avancée. Beaucoup de personnes demeurent dans cet état confus leur vie entière, se cramponnant à leur faible sens du moi et en se protégeant de futures désintégrations. Mais quelques-uns avancent, risquant tout ce qu’ils croyaient être pour trouver une plus grande vérité ; cette minorité compose les transformeurs qui avancent vers le niveau III.