11 mai 2017

La double pensée

Doublepensée (en version originale Doublethink) est un terme inventé par George Orwell comme le novlangue, dans son roman contre-utopique 1984, indiquant une capacité à accepter simultanément deux points de vue opposés et ainsi mettre en veilleuse tout esprit critique. C'est aussi une rupture avec le « principe de non-contradiction », sur lequel repose toute la science démontrable.

George Orwell présente la doublepensée comme suit :
« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait l’emploi de la double pensée. »

Comme Orwell l'explique dans son livre, le Parti était incapable de conserver une mainmise absolue sur le pouvoir sans dégrader la population et la soumettre à une propagande permanente. Or, le fait que ces brutalités et ces manipulations fussent connues, même au sein du Parti, aurait pu conduire à l'effondrement de l'État sur lui-même. C'est pour cette raison que le gouvernement imaginé par Orwell utilisait un système complexe de « contrôle de la réalité ». Quoique 1984 soit plutôt connu pour ses descriptions de surveillance approfondie du quotidien, le contrôle de la réalité signifiait que la population devait être également contrôlée et manipulée au travers du langage de tous les jours et de la pensée commune. Le novlangue fut ainsi désigné comme méthode pour contrôler la pensée par l'entremise du langage, la doublepensée étant une méthode pour contrôler directement l'esprit.

Le novlangue lui-même incarne la doublepensée car il contient de nombreux mots qui créent des associations supposées entre des significations différentes. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de mots d'importance fondamentale comme « bien » / « mal », « correct » / « faux », « vérité » / « mensonge », ou « justice » / « injustice ».